Michel BORDIEU
L’histoire de cette région, et plus particulièrement de l’archipel des Comores dont fait partie Mayotte, est liée à l’époque où les échanges commerciaux se faisaient principalement par bateaux. Un document daté du IIème siècle, «Le Périple de la mer Érythrée», précise que des marchands parlant le swahili visitaient les régions situées le long de l’Afrique orientale. Pendant cette période faste de la navigation à voile, la zone du canal du Mozambique était riche de ses échanges en marchandises et en hommes. A l’origine, il semble que les premiers habitants soient venus d’Indonésie ou de Malaisie, poussés par les vents de la mousson. L’utilisation encore de nos jours de la pirogue à balancier, de facture indonésienne, atteste cette hypothèse.
Entre les VIIIème et IXème siècles, des Swahilis s’installèrent à Mayotte, plus tardivement que dans les autres îles de l’archipel des Comores. Les Swahilis regroupent des peuples de marins d’Afrique de l’est, ayant des liens avec le Moyen-Orient islamisé. Vivant principalement sur les côtes du Kenya, de la Tanzanie, dans le nord du Mozambique ainsi que sur l’île de Zanzibar, ils parlent le swahili, une langue d’origine bantoue influencée par l’arabe.
Mayotte était sous la domination de chefs islamisés appelés «Fani» entretenant des contacts culturels et marchands avec la côte Swahili et Madagascar.
Vers 1470 s'instaura à Mayotte un sultanat shirazien. Originaire d’une ville de Perse (ancienne Iran): Shiraz, dont sont originaires des commerçants aventuriers qui ont pris possession de nombreux comptoirs et villes sur la côte est africaine et qui ont fortement influencé la culture swahili. Ce sultanat indépendant (sultanat des «sultans batailleurs») sera reconnu jusqu’au début du XIXème siècle. Cette période correspond à un grand développement commercial et culturel de l'île. Avec l’islam sunnite chaféite qui se mit en place, la société mahoraise vit naître un système de classes, composées de dirigeants nobles jouissant du travail des classes inférieures.
C’est seulement en 1527 que Mayotte fut mentionnée pour la première fois par un navigateur portugais. L'île ne fut par la suite que rarement utilisée comme escale par les marins occidentaux.
Entre 1828 et 1831, le dernier sultan shirazien fut renversé par une dynastie Sakalava venue de l’île Nosy Be. "Sakalava" désigne un groupe ethnique et culturel de Madagascar qui occupe la frange côtière le long du canal du Mozambique, composé d’excellents marins.
Il serait trop long de décrire dans le détail le processus qui aboutit aujourd'hui à la départementalisation, mais quelques dates permettent d’en comprendre le mécanisme.
C’est en 1841 que l’histoire qui lie Mayotte à la France débute. Cette année là, les Français cherchant à prendre le contrôle de la région au détriment des Britanniques, achetèrent Mayotte à son dernier sultan Andriantsoly. Surnommé «l’invincible» en sakalava, (il était originaire de Madagascar), il se convertit à l’islam avant de débarquer à Mayotte. Il prit le contrôle de l’île en 1836, et la céda en échange d’une rente annuelle et viagère de mille piastres (environ 16 500 euros). Un traité fut signé avec Pierre Passot. Andriantsoly mourut en 1845.
A partir de la signature de ce traité, l’île prit le statut de colonie française, l’archipel des Comores tout entier passant sous protectorat français.
1908 : L’ensemble des îles de l'archipel est sous l’autorité du gouvernement de Madagascar, alors colonie française.
1946 : L’union française est créée en métropole par la constitution. Elle modifie le statut des colonies françaises et établit un cadre juridique qui, entre autres, abolit le travail forcé et la justice indigène spéciale. Les colonies françaises, dont Madagascar et les Comores, accèdent à ce nouveau statut.
1958 : Deux référendums sont organisés pour interroger les Comoriens sur leur avenir. Ces derniers confirment vouloir maintenir l’archipel au sein de la République française.
1961 : Une loi organise l’autonomie interne des Comores. Seul les affaires étrangères, la défense et la justice sont régies par la métropole.
1963 : Le Mouvement de Libération des Comores lance le mot d’ordre d’indépendance pour l’archipel.
A partir de 1966 : La capitale Dzaoudzi située à Mayotte est transférée à Moroni sur la Grande Comore. 1972 : Signature d’un accord relatif entre l’archipel des Comores et la France portant sur l’accession à l’indépendance. La même année, l’ONU inscrit l’archipel des Comores sur sa liste des territoires devant accéder à l’autodétermination. Durant cette période, Mayotte conteste l’autorité installée à Moroni et demande plus d’autonomie. Elle souhaite la séparation d’avec les autres îles de l’archipel, et la départementalisation.
1974 : Référendum pour plébisciter l’indépendance du territoire devant statuer sur l’ensemble des îles des Comores. Mayotte se singularise en votant majoritairement (90%) pour le maintien au sein de la République française. Les résultats sont invalidés et un second référendum, dont le résultat serait considéré île par île, est proposé. L’Union des Comores déclare son indépendance sans l’accord de la France. Mayotte reste sous administration française. L’Union des Comores revendique Mayotte et l’Union africaine considère ce territoire occupé par une puissance étrangère.
1976 : Référendum qui confirme par 99,4% (avec 82,3% d’inscrits) le choix de la population de Mayotte de rester au sein de la République française. L’ONU considère ce référendum comme nul, et confirme l’appartenance de Mayotte à l‘État comorien (depuis 1995, la question n’a plus été inscrite à l’ordre du jour).
Le 29 mars 2009 les électeurs ont approuvé à 95% (avec 57,63% d’électeurs) la départementalisation de Mayotte, bien que l’Union des Comores et l’ONU considèrent comme nulle et non avenue toute consultation organisée dans le cadre de la départementalisation depuis 2008.
Une collectivité départementale dotée d’un conseil général et d’une administration décentralisée est en place depuis le 1er avril 2004. Une loi du 11 juillet 2001 prévoit l’application progressive du droit commun français sur l’île. Le processus de départementalisation est intervenu en mars 2011 lors du renouvellement du conseil général permettant à Mayotte d’être le 5ème DOM et le 101ème département français.
La culture et les traditions de Mayotte sont singulières. Musulmans tolérants, les Mahorais respectent des coutumes animistes venues d’Afrique et de Madagascar. La civilisation occidentale moderne imprègne également de plus en plus la culture locale. Accueillants, pleins de sagesse et de gentillesse, les Mahorais ont fait de leur île un lieu de rencontres et d’échanges.
La société traditionnelle mahoraise est de type matriarcale : l’épouse a autorité, c’est elle qui protège le mari et le foyer. Elle peut également chasser son époux en cas de déchéance familiale constatée par la communauté villageoise. La femme a un rôle déterminant dans l’économie, la politique et la vie associative. Les femmes de Mayotte ont fait parler d'elles dans les années 60 et 70 en se battant pour réduire l’influence des autres îles de l’archipel des Comores, et pour que Mayotte fasse partie de la république française. Constituées en commandos, elles prenaient à partie les responsables politiques comoriens en visite, et les soumettaient à des chatouilles afin de les forcer à s’aligner sur leur positions ou dans le cas contraire à quitter l’île.
Cette forme d'action politique a priori amusante n’en a pas moins créé des tensions qui ont conduit à la mort en 1969 de Zakia Madi lors d'affrontements entre partisans et adversaires de l’indépendance. Le président de la république Jacques Chirac, en visite officielle, lui rendra hommage dans un discours en mai 2001.
La femme mahoraise prend soin d’elle : masque de beauté à base de bois de santal râpé mélangé à de l’eau (m’sindzano), cheveux savamment tressés après avoir été lavés avec une décoction de kapokier puis parfumés, et vêtements très colorés. Le vêtement traditionnel, le lambawani, se compose de deux parties : le saluva qui est un paréo ou jupe, et le kishali qui se porte en châle, sur les épaules ou replié sur la tête. Le lambawani est généralement très coloré.
La population de Mayotte est très jeune : 65% des habitants des deux îles avaient moins de 25 ans en 2002. Traditionnellement, les jeunes hommes quittent la maison familiale après l’adolescence et construisent un banga (petite maison en bambou et torchi) qui leur permet de s’initier à la vie d’adulte et d’inviter les jeunes filles avec lesquelles ils souhaitent se fiancer.
Une fois adulte et marié, l’homme a le rôle de pédagogue, transmettant aux plus jeunes les techniques traditionnelles. Les hommes portent généralement le kofia, calot musulman brodé, et le goundra, chemise aux manches longues descendant aux genoux, pour la prière ou les évènements importants.
La femme s’épanouit à tout âge alors que l’homme atteint sa plénitude lors de son «Grand Mariage», qui peut durer jusqu'à deux mois. Célébré pendant l’hiver austral, le «Grand Mariage» est une période de fêtes et de faste. Il était autrefois fort coûteux pour l’homme : la femme recevait cadeaux et bijoux en or qu’elle portait pour afficher son statut social.
Le «Grand Mariage» est l’occasion de pratiquer danses et chants traditionnels : le mlelezi qui célèbre l’entrée publique du marié au domicile conjugal, ou le shigoma qui clôture les cérémonies. D’autres danses sont réservées à la pratique de la religion comme le mulidi, danse masculine qui est en fait une longue prière chantée et chorégraphiée, ou encore le deba réservé aux femmes qui, en longues files colorées, récitent des poèmes.
360, c’est le nombre de mosquées à Mayotte. Religion majoritaire, l’islam à été introduite par les populations arabo-persanes et cohabite avec l’animisme. De tradition sunnite, la pratique de l'islam à Mayotte est unique car influencée par les croyances africaines et malgaches, notamment animistes. Les "djinns", esprits invisibles qui peuvent être bons ou mauvais, font partie de la vie quotidienne des Mahorais encore aujourd’hui. Ils appartiennent aux forces psychiques de la nature et habitent dans des lieux sacrés : rivières, rochers, tombeaux... Ils peuvent révéler en rêve des secrets à un "fundi", une personne importante qui détient le «savoir» dans un domaine précis : un religieux, un forgeron, un guérisseur... Le djinn peut également posséder une personne, ce qui donne lieu à une cérémonie d’exorcisme.
Le français est la langue officielle à Mayotte, mais d'autres dialectes coexistent. Le shimaoré est le principal dialecte parlé à Mayotte et aux Comores. Le kibushi, originaire de Madagascar, est encore utilisé par les Mahorais ayant des échanges avec les Malgaches. D’autres dialectes et sous-dialectes existent encore, ce qui confirme que Mayotte a longtemps été un carrefour des routes maritimes de l’océan indien.
A l’heure de la départementalisation, devenir Français implique de parler français. Mais la population est confrontée à un fort taux d’illettrisme, dû en grande partie à la difficulté de maîtrise de l’alphabet latin par opposition à l’alphabet arabe qui lui est enseigné avec assiduité dès le plus jeune âge dans les écoles coraniques (médersas).
Mais les temps changent, et les enfants de Mayotte sont de mieux en mieux scolarisés. Gageons que le fait d'apprendre que le frère d’Honoré de Balzac, Henri, est enterré à Petite Terre, donnera aux jeunes Mahorais le goût de la littérature classique française.
La faune n’est pas en reste avec, notamment, une centaine d’espèces d’oiseaux fréquentant l’île. Il faut différencier les oiseaux migrateurs, observables à certaine période de l’année, de ceux qui y vivent en permanence et s'y reproduisent. Leur habitat est réparti en trois zones distinctes : la mer, la forêt et le littoral. Quelques espèces sont endémiques à l’archipel des Comores et même à Mayotte, d’autres sont originaires de Madagascar.
Deux mammifères attirent particulièrement l’attention : la roussette, une chauve-souris frugivore dépourvue de radar (ce qui l'oblige à voler uniquement le jour) et le maki (lémure fulvus mayottensis), une espèce de lémurien propre à Mayotte.
Chez les reptiles de l’île, on compte trois familles distinctes : le caméléon, le scinque et le gecko. Au total l'île accueille treize espèces de reptiles, dont une de caméléon et neuf de geckos. Les geckos ont une particularité anatomique par rapport aux autres lézards : des lamelles adhésives sous chaque doigt leur permettent de se déplacer facilement sur toutes les surfaces, y compris les plafonds.
Le lagon de Mayotte, deuxième parc marin de France et premier de l’Outre-mer, représente une zone protégée de 70 000km2, entourée d'une double barrière récifale longue de 157 km, particularité rare. Les profondeurs peuvent y atteindre 80 mètres. Véritable aquarium naturel, le lagon abrite quasiment toutes les espèces marines tropicales. 700 espèces de poissons multicolores se déplacent parmi 300 espèces de coraux, d’anémones et d’hydraires. 22 espèces de mammifères marins fréquentent le lagon : une douzaine d’espèces de dauphins; des baleines à bosse qui se laissent observer de juillet à novembre, période pendant laquelle elles se reproduisent ou mettent bas; et une espèce de sirénien, le dugong, malheureusement en voie d’extinction.
Sur le littoral, on peut croiser des tortues qui viennent pondre, la nuit en général. Protégée, la tortue est représentée par cinq espèces dans l’île. La tortue imbriquée et la tortue verte sont celles que l’on observe le plus souvent, tandis que la tortue caouanne, la tortue olivâtre et la tortue luth sont plus rares.
Mayotte a su garder ses coutumes et sa culture tout en se préparant à devenir département français. Il faut souhaiter que ce changement de statut permette à l’île de garder ses particularités si attachantes, tout en l’aidant à protéger les richesses naturelles qu’elle possède. Incontestablement, le 101ème département français est un véritable petit coin de paradis.
Vols réguliers à destination de Mayotte depuis la métropole ou depuis La Réunion. Pour les ressortissants français: la carte d'identité suffit; pour les autres ressortissants de l'Union européenne: le passeport est indispensable. Monnaie: l'euro. La barge, unique moyen pour relier Petite Terre et Grande Terre assure des traversées toutes les demi heures. On ne paie que dans un sens (moins d'un euro). Possibilité de louer un véhicule. Protection contre le paludisme conseillé. Climat tropicale maritime. De part son taux d'humidité, la température ressenti est très élevée. Hébergement et autre: consulter les sites spécialisés.
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