Michel BORDIEU
Dans le nord de la Thaïlande se trouve une large région traversée par la rivière Yom sur la rive de laquelle se trouve l’actuelle Sukhothaï, distante d’une douzaine de kilomètres de la «vieille Sukhothaï». D’une superficie de 6596 km2, distante de 450 km de Bangkok et de 350 km de Chiang Mai, la province accueille de somptueux paysages où montagnes, vallées et forêts luxuriantes ont permis son développement, grâce notamment à l'exploitation des bois et à la culture de fruits et de légumes. La proximité de la Chine, du Laos et du Myanmar a également contribué à l’expansion de cette province qui abrite les vestiges de ce qui fut l’origine du royaume du Siam.
Avant les premiers siècles de l’ère chrétienne, la péninsule indochinoise était majoritairement peuplée par les Khmers (principale ethnie du Cambodge) et les Môns (principale ethnie du Myanmar). Les Thaïs (personnes s'exprimant en langue thaï), originaires du sud-ouest de la Chine, étaient à l'époque comme d’autres ethnies minoritairement présents dans cette région fertile. Les Khmers appelaient les premiers émigrants les «Syams», ce qui signifie «basanés». C’est l’origine de l'appellation «royaume du Siam», l’ancien nom du peuple Thaï, qui a été rebaptisé «Thaïlande» en 1939. C’est au XIIIe siècle de l’ère chrétienne que les différentes ethnies Thaïs s’unifièrent afin de créer leur royaume et s’affranchir de la domination Khmer. Le fils du roi, qui repoussa les Khmers plus au sud, fut le premier roi des Siams unifiés et installés autour de sa capitale, la ville de Sukhothaï. On parle du «royaume de Sukhothaï» car les capitales changèrent au fil du temps : il y eut d'abord Ayutthaya (où l’on peut visiter les ruines d’anciens temples), puis Bangkok.
Le gouvernement du roi Ramkhamaeng (1239-1317) surnommé «Le Grand» était du type monarchique patrocratique, c’est à dire que le roi est considéré comme le père et les sujets comme ses enfants. La période de son règne fut prospère et paisible : sukhothaï signifie d'ailleurs «l’aube de la joie». Il est écrit sur une pierre : « Le royaume de Sukhothaï est bon. On trouve du poisson dans l’eau et du riz dans les rizières. Le souverain ne prélève pas d’impôts sur le peuple qui voyage le long des routes ensemble, menant leurs boeufs sur la route pour vendre et montant leurs chevaux sur la route pour acheter. Quiconque souhaite faire le commerce des éléphants, qu’il fasse. Quiconque souhaite faire le commerce des chevaux, qu’il fasse. Quiconque souhaite faire le commerce de l’argent ou de l’or, qu’il fasse.».
Monarque érudit, il créa l’alphabet thaï et encouragea la culture et les échanges commerciaux, en particulier avec la Chine, ce qui permis aux Siams d’exporter des céramiques d’un style chinois sophistiqué appelées «sangkalok».
Converti au bouddhisme Theravada, le roi contribua à la diffusion de la religion bouddhiste.
L’école Theravada impose la pratique d’une éthique personnelle rigoureuse et reste encore celle majoritairement pratiquée en Thaïlande.
A l’époque, le Siam avait connu toutes les formes de religions en provenance d'Inde. C’est donc en Inde et plus précisément au Népal, qu’est né le bouddhisme instauré par le prince Siddhartha Gautama environ 450 ans avant l’ère chrétienne. Destiné à succéder au roi, son père, il connut une vie de plaisirs insouciants. Lors d’une excursion hors du palais, il pris conscience de la souffrance de son peuple. Bouleversé, le prince décida d’abandonner son destin de monarque pour s’engager dans une vie d’ascète, dans l’espoir de trouver une solution pour libérer les êtres de la souffrance. La légende dit que c’est à l’ombre d’un arbre, sous lequel il s’était installé pour méditer, qu’il atteignit l’état d’éveil - le terme sanskrit «buddha» signifiant «qui s’est éveillé».
Dès lors, Gautama Bouddha enseigna la doctrine originaire du bouddhisme qui permet, par certaines pratiques, de se détacher de la souffrance afin d’atteindre le «Nirvana» ou «l’Éveil». A partir de cette base, plusieurs écoles du bouddhisme apparurent. Elles se différenciaient principalement par les moyens d’atteindre «l’Éveil». Trois principaux courants se sont imposés : l'école du Theravada à laquelle s’est converti le roi et donc le royaume de Sukhothaï, l'école du Mahayana qui donnera naissance au Zen du Japon, et l'école du Vajrayana qui prévaut au Tibet et qui compte quatre grandes écoles.
Les écoles du Theravada s’appuient sur les «doctrines des anciens» et s’en tiennent à une stricte application de canons appelés « Pali ». Ces écoles insistent particulièrement sur la pratique d’une éthique personnelle rigoureuse qui repose sur trois principes : l’étude des tous premiers enseignements que Bouddha a transmis à ses disciples, l’étude des traités et des commentaires relatifs à ses enseignements et la pratique des règles de la vie monastique.
C’est parce que le roi s’est converti au bouddhisme Theravada et que son règne a été une période prospère et calme, que cette religion s’est répandue dans la région, développant un art nouveau qui se détache des anciens. Le style Sukhothaï est considéré comme l’acte de naissance de l’art proprement Thaï. Il se traduit par la construction de vastes ensembles de temples et de monastères. Les représentations du Bouddha, elles aussi, se démarquent, bien que conformes aux descriptions des textes palis.
Il est à noter que les représentations de Bouddha sont régies par des règles précises. L’aspect physique, la forme des vêtements, les postures et les gestes sont codifiés dès les origines et doivent être scrupuleusement respectés par les artistes. Les caractéristiques physiques correspondent à 32 marques principales, complétées par 80 autres marques secondaires (couleurs des yeux, nombre de dents, formes des cheveux, etc.). Seules quatre attitudes peuvent représenter le Bouddha : assis, debout, marchant ou couché. La tradition impose de surcroît des gestes symboliques des mains, 47 au total dont 6 sont considérés comme significatifs.
La particularité du style Sukhothaï est de tenter de mettre en valeur tout ce qui fait de Bouddha un être prédestiné, possédant dès la naissance les marques d’un grand homme.
Esthétiquement, le visage s’affine, les boucles des cheveux sont petites et la coiffe est protubérante, surmontée d’une longue «flamme». Le nez est quant à lui long et fin. L’expression est souriante et inspire la compassion et la sérénité. Le corps décrit une personne svelte aux larges épaules. Le vêtement est ouvert, ne couvrant que l’épaule gauche. Le pan descend jusqu’au nombril en se terminant par une partie plissée. Enfin, un liseré bien dessiné marque la ceinture et le rebord supérieur de la robe. Physiquement, Bouddha est le plus souvent représenté assis, parfois debout, rarement couché mais le Bouddha marchant semble avoir été très populaire. Est-ce une représentation conforme à cette région, où le climat est plus clément que celle d’où était originaire Bouddha ? Ou est-ce une attitude qui correspond à l’état d’esprit inspiré par son roi et à laquelle le peuple peut s’identifier ? Quoi qu’il en soit, les bases de la nouvelle nation Thaï sont posées.
Le site de Sukhothaï est inscrit sur la liste du patrimoine mondial établie par l’UNESCO en 1991. De nos jours, les vestiges témoignent de la liberté créatrice ouverte vers le monde extérieur, utilisant harmonieusement à la fois les traditions artistiques des anciens oppresseurs Khmers et les techniques chinoises, birmanes et cinghalaises. Ces vestiges peuvent se visiter dans le «old Sukhothai» (une nouvelle ville ayant été construite depuis).
Il est possible de louer des vélos ou d’utiliser les services d’un tuk-tuk. L’enceinte ne mesurant qu’1,8 km sur 1,5 km, la marche à pied reste le meilleur moyen de visiter le site et de prendre le temps d’observer les détails des sculptures, de flâner à l’ombre des grands arbres ou de profiter des splendides changements de lumière, plus particulièrement à l’aube et en fin d’après-midi.
L’édifice le plus imposant est le Wat Mahathat. Entouré de douves, ce temple était réservé à la famille royale. Il est de style architectural propre à Sukhothaï. Derrière lui, la vue sur le grand lac et ses lotus est magnifique. On peut également observer un Bouddha en marche très élégant. Au sud se trouve le temple Wat Sri Sawai. Fondé à l’époque de la domination Khmer, c’était un site brahmanique transformé depuis en temple bouddhique. Ses trois prangs (tours en forme d’épi de maïs) ressemblent à ceux que l’on peut voir à Angkor. Au nord du palais royal, on trouve Wat Sa Si avec un point de vue idéal pour profiter du coucher de soleil sur les temples : inoubliable ! Il y a d’autres temples et vestiges qui ne manquent pas d’intérêts à l’intérieur et à l’extérieur de l’enceinte, ainsi qu’un musée où sont exposées des céramiques sangkhalok d’une qualité exceptionnelle (dans la nouvelle Sukhothaï).
Véritable instigateur de l’actuelle Thaïlande, le roi Ramkhamhaeng est représenté par une statue à l’intérieur de l’enceinte de la vielle ville. En position assise, main droite portant un livre symbolisant la création de l’écriture thaï, le roi a la main gauche levée comme pour répandre le savoir et la sagesse au peuple. Une épée posée sur un plateau à côté de lui évoque la stabilité du royaume ainsi que l’équité du souverain.
Vols réguliers à destination de Bangkok - En avion (ligne intérieur) de Bangkok et de Chiang Mai: deux liaisons quotidiennes (l’aéroport est situé à environ 20 km de la ville) - En train depuis Bangkok en passant par Phitsanulok: Nombreux trains quotidiens (de jour: entre 5h et 7h selon le train + un train de nuit) jusqu’à Phitsanulok puis bus pour parcourir les 60km pour 1h30 de trajet - En bus de Bangkok: Notherm Bus Terminal, quatre bus de nuit (7h30 environ) - En bus d’Ayutthaya et de Chiang Mai: plusieurs bus directs et quotidiens - Des navettes toutes les 10mn parcourent les 12 km (25 mn de trajet) séparant la nouvelle ville de l’ancienne ou se trouve les ruines - Possibilité de louer un vélo sur place - Possibilité de louer les services d’un tuk-tuk.
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